Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 8.djvu/13

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puissance, Louis XIV n’avait fait que suivre la même tendance despotique que l’on retrouve dans tous les actes de son règne. Il sentait qu’il serait toujours maître du cierge, dont il choisissait lui-même les chefs, et il se croyait intéressé à ce que le clergé fût fort, afin qu’il pût l’aider à régner sur l’esprit des peuples, et résister avec lui aux entreprises du pape.

L’Église de France sous Louis XIV était tout à la fois une institution religieuse et politique. Dans l’intervalle qui sépara la mort de ce prince et la révolution française, les croyances s’étant graduellement affaiblies, le prêtre et le peuple devinrent peu à peu étrangers l’un à l’autre. Ce changement fut produit par des causes qu’il serait trop long d’énumérer. A la fin du dix-huitième siècle le clergé français possédait encore ses biens ; il se mêlait encore à toutes les affaires de l’État ; mais l’esprit de la population lui échappait de toutes parts, et l’Église était devenue une institution politique, bien plus qu’une institution religieuse.

Ce n’est peut-être pas sans quelque difficulté qu’on pourrait parvenir à faire bien comprendre à des Anglais de nos jours ce qu’était la noblesse de France. Les Anglais n’ont point dans leur langue d’expression qui rende exactement l’ancienne idée française de noblesse. Nobility dit plus et gentry moins. Aristocratie n'est pas non plus un mot dont on dût se servir sans commentaire. Ce qu’on entend généralement par aristocratie, en prenant le mot dans son sens vulgaire, c’est l’ensemble des classes supérieures. La noblesse française était