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Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 8.djvu/181

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curieux et des plus étranges spectacles qui puissent se rencontrer dans l’univers.

« Je désirerais montrer ce que dans sa prodigieuse entreprise il a tiré réellement de son génie et ce que lui ont fourni de facilités l’état du pays et l’esprit du temps ; faire voir comment et pourquoi cette nation indocile courait en ce moment d’elle-même au-devant de la servitude ; avec quel art incomparable il a découvert dans les œuvres de la révolution la plus démagogique tout ce qui était propre au despotisme, et l’en a fait naturellement sortir.

« Parlant de son gouvernement intérieur, je veux contempler l’effort de cette intelligence presque divine grossièrement employée à comprimer la liberté humaine ; cette organisation savante et perfectionnée de la force, telle que le plus grand génie au milieu du siècle le plus éclairé et le plus civilisé pouvait seul la concevoir ; et, sous le poids de cette admirable machine, la société comprimée et étouffée devenant stérile ; le mouvement de l’intelligence se ralentissant ; l’esprit humain qui s’alanguit, les âmes qui se rétrécissent, les grands hommes qui cessent de paraître ; un horizon immense et plat, où, de quelque côté qu’on se retourne, n’apparaît plus rien que la figure colossale de l’empereur lui-même.

« Arrivant à sa politique extérieure et à ses conquêtes, je chercherais à peindre cette course furieuse de sa fortune à travers les peuples et les royaumes ; je voudrais dire en quoi ici encore l’étrange grandeur de son génie