si grande, devinrent bientôt si stables qu'aucun mouvement ne s'y fit plus sentir. L'aristocratie ne s'y trouvant ni poussée par le peuple, ni guidée par un roi, y tint le corps social immobile dans les vieux vêtements du moyen âge.
Les progrès du temps faisaient déjà pénétrer depuis longtemps le nouvel esprit dans les sociétés les plus monarchiques de l'Europe, que la Suisse lui demeurait encore fermée.
Le principe de la division des pouvoirs était admis par tous les publicistes, il ne s'appliquait point en Suisse. La liberté de la presse, qui existait au moins en fait dans plusieurs monarchies absolues du continent, n'existait en Suisse ni en fait ni en droit ; la faculté de s'associer politiquement n'y était ni exercée ni reconnue ; la liberté de la parole y était restreinte dans des limites très-étroites. L'égalité des charges, vers laquelle tendaient tous les gouvernements éclairés, ne s'y rencontrait pas plus que celle des droits. L'industrie y trouvait mille entraves : la liberté individuelle n'y avait aucune garantie légale. La liberté religieuse, qui commençait à pénétrer jusqu'au sein des États les plus orthodoxes, n'avait pu encore se faire jour en Suisse. Les cultes dissidents étaient entièrement prohibés dans plusieurs cantons, gênés dans tous. La différence des croyances y créait presque partout des incapacités politiques.
La Suisse était encore en cet état en 1798, lorsque la révolution française pénétra à main armée sur son territoire. Elle y renversa pour un moment les vieilles institutions,