Les nouvelles constitutions ont sans doute donné aux tribunaux une place plus séparée que celle qu'ils occupaient parmi les anciens pouvoirs, mais non une position plus indépendante. Les tribunaux inférieurs sont élus par le peuple et soumis à réélection ; le tribunal suprême de chaque canton est choisi non par le pouvoir exécutif, mais par la puissance législative, et rien ne garantit ses membres contre les caprices journaliers de la majorité.
Non-seulement le peuple ou l'assemblée qui le représente choisit les juges, mais ils ne s'imposent pour les choisir aucune gêne. En général, il n'y a point de condition de capacité exigées. Le juge, d'ailleurs, simple exécuteur de la loi, n'a pas le droit de rechercher si cette loi est conforme à la constitution. À vrai dire, c'est la majorité elle-même qui juge par l'organe des magistrats.
En Suisse, d'ailleurs, le pouvoir judiciaire eût-il reçu de la loi l'indépendance et les droits qui lui sont nécessaires, le pouvoir aurait encore de la peine à jouer son rôle, car la justice est une puissance de tradition et d'opinion qui a besoin de s'appuyer sur des idées et des mœurs judiciaires.
Je pourrais aisément faire ressortir les défauts qui se rencontrent dans les institutions que je viens de décrire, et prouver qu'elles tendent toutes à rendre le gouvernement du peuple irrégulier dans sa marche, précipité dans ses résolutions et tyrannique dans ses actes. Mais cela me mènerait trop loin. Je me bornerai à mettre en regard de ces lois celles que s'est données une société démocratique plus ancienne,