Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/173

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une immense acclamation vers le ciel. Le roi, placé sur le sommet du premier cône, semblait dominer l’Océnn et constater sa propre victoire. Le nouveau cône fut amené sous ses yeux et coulé à ses pieds. Tous ceux qui ont assisté à cette grande scène en ont conservé, malgré les années, le plus vivant souvenir ; ils en parlent avec autant de chaleur que si la chose s’était passée hier ; il y avait là, en effet, plus qu’une cérémonie : c’était un des plus beaux spectacles qu’ait jamais pu contempler l’homme. On croyait avoir trouvé la solution du problème. L’expérience fit bientôt voir qu’on se trompait Quelque rapidité qu’on mit à remplir de pierres la caisse conique, cette opération n’exigeait, ainsi que nous l’avons dit, pas moins de quarante jours. L’expérience enseigna qu’il était rare qu’il ne survînt pas, pendant cet espace de temps, un coup de vent. La mer venant alors à frapper avec violence la caisse à moitié vide, la brisait aisément. Ce fut ainsi que périt le second cône et ensuite plusieurs autres. Ceux mêmes qui purent être remis sans accident ne tardèrent point à être réduits ou endommagés, de telle sorte que leur destruction ultérieure ne fut plus douteuse. La mer, pour les attaquer et les ruiner, se servait d’un procédé imprévu qui mérite d’être rapporté. Elle commençait par vider la caisse avant de la briser. Voici comment elle s’y prenait pour en venir là. La lame arrivant du large frappait avec furie contre la paroi du cône, s’élevait jusqu’à soixante ou quatre-vingts pieds de hauteur, puis retombant, comme un torrent venu du ciel, sur le sommet de la machine, elle entraînait les pierres avec elle à travers la claire-voie. Lorsqu’elle avait produit ainsi de vastes cavités dans l’intérieur de la montagne conique, elle s’introduisait par un choc direct avec la même violence dans ces cavernes sans issues, et lançait par le haut, au-dessus des bords du cône, les pierres qui lui faisaient résistance. Quand une fois, à l’aide de ce double mouvement, l'intérieur de la caisse était vidé, les montants, se trouvant sans appui, venaient à céder et toute la machine