Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/184

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Seulement on n’y établit point à demeure de garnison. « La digue de Cherbourg, ainsi exhaussée dans sa partie centrale, dit M. Cachin dans son Mémoire, est restée armée de vingt bouches à feu pendant toute la durée de l’état de guerre. » On pourrait croire naturellement, d’après cette phrase, qu’à partir de 1808, la digue n’eût plus à supporter de nouveaux accidents ; il n’en fut rien pourtant. Des le mois de septembre de la même année, une partie des blocs placés en avant de la nouvelle batterie furent déplacés et entraînés au loin. En 1810, la batterie elle-même fut de nouveau envahie et ravagée. Le sol en fut affouillé à plus d’un mètre de profondeur ; soixante mètres de l’épaulement furent emportés. Huit jours après, une tempête plus violente acheva de bouleverser tout le reste. Les grottes résistèrent encore : cette fois leurs enveloppes furent enlevées, mais la maçonnerie, livrée à elle-même, tint bon. Si la France eût joui en ce moment d’un régime de publicité, assurément le cours de ces désastreuses expériences se serait arrêté là, et le bon sens public eût fait justice des erreurs de la science ; mais on vivait alors au milieu d’un silence universel, interrompu seulement par la voix du maître. M. Cachin fut donc libre de fermer de nouveau les yeux à la lumière et de ne pas voir ce que tout le monde apercevait dès lors autour de lui. Dès que le beau temps fut revenu, treize mille mètres cubes de blocs furent rapportés sur le sommet de l’ouvrage. On était ainsi parvenu jusqu’en 1811. Napoléon qui, au milieu de la grandeur et de la variété de ses projets, attachait une importance particulière aux travaux de Cherbourg, vint, cette année-là, les visiter. Il apprit les désastres successifs qui avaient eu lieu, aperçut les ruines, vit le système, jugea le mal et pressentit le remède. « Vous prétendez, dit-il à M. Cachin, que la maçonnerie ne peut soutenir le premier choc de la mer ; soit. Laissez donc subsister votre digue en blocs, et entretenez-la ; mais, en arrière, je veux que vous m’établissiez une batterie en maçonnerie, et que vous