Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/220

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velle patrie lui offre-t-elle dans son sein la tranquillité et l’aisance ; il ne songe qu’à se replonger en courant dans les misères de l’ancien monde. Pour obtenir d’être rapporté sur le rivage de l’Europe, un grand nombre se soumet aux conditions les plus dures, plusieurs commettent de nouveaux crimes, afin de se procurer les moyens de transport qui leur manquent.

Les colonies pénales diffèrent si essentiellement des colonies ordinaires, que la fertilité naturelle du sol peut devenir un des plus grands obstacles à leur établissement.

Les déportés, on le conçoit sans peine, ne peuvent être assujettis au même régime que le détenu de nos prisons. On ne saurait les retenir étroitement renfermés entre quatre murailles, car alors autant vaudrait les garder dans la mère patrie. On se borne donc à régler leurs actions, mais ou n’enchaîne pas complètement leur liberté.

Si la terre sur laquelle on fonde l’établissement pénal présente des ressources naturelles à l’homme isolé, si elle offre des moyens d’existence, comme en général celle des tropiques ; si le climat v est continuellement doux, les fruits sauvages abondants, la chasse aisée, il est facile d’imaginer qu’un grand nombre de criminels profiteront de la demi liberté qu’on leur laisse pour fuir dans le désert, et échangeront avec joie la tranquillité de l’esclavage contre les périls d’une indépendance contestée. Ils formeront pour l’établissement naissant autant d’ennemis dangereux ; sur une terre inhabitée, il faudra dès les premiers jours avoir les armes à la main.

Si le continent où se trouve placée la colonie pénale était peuplé de tribus semi-civilisées, le danger serait encore plus grand.

    les détenus la croyance assez générale que la Nouvelle-Hollande tenait au continent de l’Asie. Plusieurs déportés tentèrent de s’échapper de ce côté. La plupart moururent de misère dans les bois, ou furent contraints de revenir sur leurs pas. On eut bien de la peine à persuader à ces malheureux qu’ils étaient dans l’erreur.