Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/272

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propositions lurent faites au Parement dans le but d’adoucir le sort des apprentis et de les soustraire aux violences dont on accusait quelques colons, surtout ceux de la Jamaïque, d’user à leur égard. Cela donna naissance au bill du 18 avril 1838, dont l’objet était d’accorder des garanties nouvelles aux affranchis. Mais on alla plus loin.

L’apprentissage devait finir, pour les nègres artisans ou domestiques, le ler août 1838 ; pour les autres, le bill avait fixé deux ans de plus.

On propsa dans le sein du Parlement et on fut prêt de faire adopter une loi qui donnait la liberté complète à tous les nègres, le 1er août 1838.

Les efforts du ministère empêchèrent que cette loi ne passât ; mais l’effet moral était produit ; et il devint dès lors impossible de prolonger l’apprentissage. Le gouvernement anglais crut devoir mettre cette nécessité nouvelle sous les yeux des autorités coloniales et les inviter à s’y soumettre d’elles-mêmes.

Ces événements émurent la population noire des colonies, et produisirent chez la plupait des colons une surprise fort grande et une irritation très-profonde.

Beaucoup de transactions avaient en lieu dans les colonies anglaises, dans la prévision que l’apprentissage durerait jusqu’en 1840, et sa destruction prématurée lésait des intérêts considérables.

D’une autre part cependant, les colonies sentirent qu’en présence des manifestations de la mère-patrie, il serait désormais très-dangereux de refuser à une partie de leurs noirs la liberté, tandis qu’ils l’accordaient à l’autre. Cela eût été difficile, si on avait pu s’appuyer sur l’opinion publique de la métropole ; il était impossible de le tenter après ce qui venait de se passer en Angleterre.

Toutes les colonies consentirent donc, mais de mauvaise grâce et à regret, à abolir dans leur sein l’apprentissage, à partir du 1er août. Plusieurs ne se déterminèrent à cette mesure que très-tard : à la Trinité, ce ne fut que le 25 juillet 1838 que les colons purent s’y résoudre.

La liberté complète fut donc [iroclamée dans toutes les colonies anglaises le 1er août de la même année. Il est presque inutile de faire remarquer qu’elle le fut dans les circonstances les plus défavorables qui se puissent imaginer.

Elle apparut tout à coup un milieu de l’irritation et des embarras