sans de grands périls, est d’avis que le moment est arrivé d’y mettre un terme par l’abolition de l’esclavage. Mais comment l’abolir ? Ici la commission se partage. Deux plans sont proposés. Nous nous bornerons à faire connaître celui que la majorité a adopté.
Une loi fixerait dès aujourd’hui, à dix ans, le terme irrévocable de l’esclavage. Ces dix années seraient employées à préparer les nègres et les colons à supporter l’état social nouveau qu’on leur destine. Tout en restant astreint au travail forcé et habituellement gratuit, signe principal de la servitude, le nègre acquerrait cependant certains droits dont il n’a jamais joui jusqu’ici, et sans lesquels il n’y a pas de progrès en morale et en civilisation, tels que ceux de se marier, d’acquérir, de se racheter ; des écoles lui seraient ouvertes ; l’éducation religieuse et l’instruction lui seraient abondamment fournies.
On voit qu’entre la fin de l’esclavage et l’indépendance proprement dite, la commission a pensé, comme le gouvernement britannique, qu’il convenait de placer une époque intermédiaire, principalement destinée à l’éducation des nègres ; mais elle a conçu cet état intermédiaire d’une autre manière que les Anglais. Ceux-ci avaient commencé par proclamer que l'esclavage était aboli ; mais chaque esclave, transformé en apprenti, n’en avait pas moins continué à rester chez son ancien maître et à travailler pour lui sans salaire. Cette condition mixte, où la liberté, après avoir été donnée, semblait retenue, n’avait été bien comprise par personne. Elle avait donné naissance à des discussions interminables entre les deux races ; les nègres s’en étaient aigris, et les blancs n’en avaient point été satisfaits. Éclairée par cette expérience, la commission a jugé qu’il fallait ne supprimer le nom de l’esclavage qu’au moment où on effacerait réellement les traits principaux qui le caractérisent ; au lieu d’annoncer, comme les Anglais, plus qu’on ne donnait, elle a trouvé plus sage d’accorder en réalité plus qu’on ne semblait avoir promis.
Au bout de l’époque préparatoire, la relation forcée du serviteur et du maître aurait un terme ; le travail deviendrait productif ; la servitude cesserait de fait comme de nom.
Mais cela ne veut pas dire que la société coloniale dût tout à coup prendre exactement le même aspect que la grande société française, ni que le nègre émancipé fût sur-le-champ appelé à jouir de tous les droits que possède parmi nous l’ouvrier. L’exemple de l’Angle-