Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/342

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

donner au dedans des habitudes réglées et laborieuses, et de leur faire faire sentir l’utilité du travail et son prix.

Au point de vue de l’intérêt financier, on ajoute : Le nombre des métiers étant limité, l’administration ne sera pas libre de choisir les travaux les plus productifs. L’apprentissage qu' elle sera obligée de donner dans la solitude sera plus coûteux et plus long.

Il est vrai que l’administration ne sera pas toujours libre d’employer les détenus aux travaux les plus productifs, mais tous les détenus qu’elle emploiera travailleront beaucoup plus vite, beaucoup plus assidûment et beaucoup mieux dans la solitude.

C’est une grande erreur de croire que l’apprentissage sera plus long dans la solitude ; il sera, au contraire, plus court, parce que toutes les forces de l’intelligence de l’ouvrier seront naturellement dirigées vers son travail.

Ces vérités n’avaient point été trouvées par la théorie ; ce sont des expériences faites en Amérique, en Angleterre et en France qui les ont mises en lumière. « Les entrepreneurs sont unanimes, disait M. le préfet de police dans son rapport de 1840, sur l’augmentation et la perfection du travail produit dans la prison de la Roquette ; sur l’abrègement et la facilité de l’apprentissage dans l’état actuel. »

L’année dernière, des agents désignés par le président du tribunal de commerce de la Seine ont, sur la demande du préfet de police, visité la prison de la Roquette. Voici la conclusion de leur rapport : « Nous avons reconnu et constaté les immenses progrès que l’application du système cellulaire a apportés dans l’instruction scolaire et l’éducation professionnelle des enfants.

En 1839, les inspecteurs-généraux des prisons, réunis en conseil sous la présidence de M. le directeur de l’administration départementale et communale, débattirent cette question si importante du travail. Le procès - verbal de ces séances a été mis sous les yeux de la Commission.

Après de longues discussions, la grande majorité du conseil (sept contre deux) conclut :

1° Qu’il était possible de donner au détenu, dans l'emprisonnement individuel, un métier réel, d’un usage constant, et qui puisse lui servir après sa libération ;

2° Que l’apprentissage d’un semblable métier peut avoir lieu dans l’emprisonnement individuel.