Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/353

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partie intégrante de la peine, et que, par conséquent, le législateur ne devait pas laisser à d’autres qu’à lui-même le soin de les fixer. Votre Commission, messieurs, s’est pleinement associée à ces différentes pensées. Comme sa devancière, ce n’est pas la solitude absolue qu’elle prétend imposer aux détenus, c’est la séparation des criminels les uns des autres. Ainsi que la Commission de 1840, elle juge qu’il ne suffit pas d’indiquer ce but, et qu’il faut que la loi elle-même prenne les mesures les plus propres à le faire atteindre. Le projet du gouvernement est entré dans celle voie. Voire Commission vous propose d’y entrer encore plus avant. Quant à la prison elle-même, nous n’avons pas cru que la loi dût indiquer un mode de construction plutôt qu’un autre. Le projet du gouvernement se borne avec raison à dire que chaque détenu devra être renfermé dans un lieu suffisamment spacieux, sain et aéré.

Cependant nous devons faire observer que toutes les prisons cellulaires bâties en Angleterre sont construites de façon à ce que chaque détenu puisse tous les jours prendre de l’exercice en plein air. La plupart des plans dressés en France contiennent aussi des promenoirs. L’expérience a prouvé que cet exercice, dont on peut fournir aux détenus le moyen sans entraîner l’Etat dans de grandes dépenses, est indispensable à leur santé. La Commission espère que toutes les nouvelles prisons seront bâties de manière à ce que cet exercice salutaire puisse être donné.

Elle a également pensé qu’il était fort nécessaire de bâtir des prisons cellulaires de telle façon, que l’air pût pénétrer très-aisément dans toutes leurs parties. En conséquence, elle émet le vœu que, quand les nouveaux pénitenciers seront composés de plusieurs ailes, ces ailes ne soient pas rapprochées les unes des autres : erreur préjudiciable à la santé des détenus dans laquelle on est souvent tombé.

La Commission croit enfin devoir rappeler qu’il ne s’agit pas d’élever de somptueux monuments, mais de bâtir des maisons de répression dans la construction desquelles toutes les dépenses inutiles doivent être évitées avec grand soin. L’avenir de la réforme pénitentiaire en France dépend en partie de la sage économie qui présidera à son introduction. C’est ce que ne doivent jamais oublier ceux qui entreprennent cette grande œuvre