Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/461

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les indigènes dépend surtout l’avenir de notre domination en Afrique, l’effectif de notre armée et le sort de nos finances ; car en cette matière les questions d’humanité et de budget se tonchent et se confondent. Elle croit qu’à la longue un bon gouvernement peut amener la pacification réelle du pays et une diminution très-notable dans notre armée.

Que si, au contrdire, sans le dire, car ces choses se sont quelquefois faites, mais ne se sont jamais avouées, nous agissions de manière à montrer qu’à nos yeux les anciens habitants de l’Algérie ne sont qu’un obstacle qu’il faut écarter ou fouler aux pieds ; si nous enveloppions lenrs populations non pour les élever dans nos bras vers le bien-être et la lumière, mais pour les y étreindre et les y étouffer, la question de vie ou de mort se poserait entre les deux races, L’Algérie deviendrait tôt ou tard, croyez-le, un champ clos, une arène murée, où les deux peuples devraient combattre sans merci, et où l’un des deux devrait mourir. Dieu écarte de nous, messieurs, une telle destinée !

Ne recommençons pas, en plein dix-neuvième siècle, l’histoire de la conquête de l’Amérique. N’imitons pas de sanglants exemples que l’opinion du genre humain a flétris. Songeons que nous serions mille fois moins excusables que ceux qui ont eu jadis le malheur de les donner ; car nous avons de moins qu’eux le fanatisme, et de plus les principes et les lumières que la Révolution française a répandus dans le monde.

La France n’a pas seulement parmi ses sujets musulmans des hommes libres, l’Algérie contient de plus en très-petit nombre des nègres esclaves. Devons-nous laisser subsister l’esclavage sur un sol où nous commandons ? L’un des princes musulmans nos voisins, le bey de Tunis, a déclaré que la servitude était abolie dans son empire. Pouvons-nous, en cette matière, faire moins que lui ? Vous n’ignorez pas, messieurs, que l’esclavage n’a pas chez les mahométan le même caractère que dans nos colonies. Dans tout l’Orient cette odieuse institution a perdu une partie de ses rigueurs. Mais, en devenant plus douce, elle n’est pas devenue moins contraire à tous les droits naturels de l’humanité. est donc à désirer qu’on puisse bientôt la faire disparaître, et la Commission en a exprimé le vœu le plus formel. Sans doute il ne faut procéder à l’abolition de l’esclavage qu’avec précaution et