Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/476

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Il n’y a pas d’affaire si grande et si générale qui arrive au terme sans retard. Prenons pour exemple la plus importante et la plus générale de toutes, la préparation des budgets. L’ordonnance du 12 janvier 1846 veut que le tableau général de sous-répartition des crédits ouverts par la loi annuelle des finances, pour les dépenses civiles de l’Algérie, soit préparé en Afrique et transmis au ministre de la guerre avant le 1° octobre de l’année qui précède l’exercice, afin que ce même tableau, après avoir été approuvé, puisse être renvoyé en Algérie avant le commencement de cet exercice, ainsi que l’ordre des finances et le bon sens l’exigent. Or ce tableau n’est jamais transmis à temps à M. le ministre de la guerre ; d’où il suit qu’il ne peut retourner en Afrique que quand déjà l’exercice est commencé. En 1846, ce n’est que dans le mois de novembre que le tableau de sous-répartition a été connu des chefs de service ; en d’autres termes, ce n’est qu’à la fin de l’année qu’ils ont appris ce qu’ils avaient eu à dépenser depuis le commencement. Quant aux petites affaires ou à celles qui ne regardent que les particuliers, non-seulement elles marchent avec lenteur, mais souvent elles n’aboutissent point. Apres avoir cheminé péniblement au milieu du dédale administratif que nous venons de décrire, il leur arrive quelquefois de disparaître. Que sont-elles devenues ? Tout le monde l’ignore ; les intéressés ne le savent pas, l’administration ne le sait pas davantage ; car, parmi tous ces pouvoirs qui se les sont passées de main en main, il n’y en a pas un seul qui en fût directement et uniquement responsable.

De riches propriétaires français, qui se sont rendus plusieurs fois en Afrique, avec l’autorisation de M. le ministre de la guerre, pour y visiter les lieux, ont été quatre ou cinq ans sans pouvoir obtenir une concession qui leur était promise.

Beaucoup de pauvres émigrants sont morts dans les carrefours d’Alger, avant qu’on leur ait fait savoir quel lieu on leur assignait pour aller y vivre.

Des colons établis provisoirement sur une partie du sol ont eu le temps d’y bâtir une maison, d’y défricher un champ, d’y faire plusieurs récoltes, avant d’avoir reçu la réponse qui leur annonçait qu’ils pouvaient s’y fixer.

Des concessionnaires, après avoir exécuté largement les conditions qui leur étaient imposées pour se procurer le titre définitif que leur