Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/488

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui se répandait était fondée. M. le ministre de la guerre reconnut qu’en effet une expédition se préparait ; qu’elle devait se diriger d’Alger et de Sétif sur Bougie dans les premiers jours de mai ; mais il ajouta qu’elle n’aurait qu’un caractère pacifique. Quand la Commission, à l’appui de ses paroles, une lettre de M. le maréchal Bugeaud, qui, tout en donnant les mêmes assurances, semblait regretter qu’on ne dût pas combattre, la soumission des indigènes n’étant jamais certaine jusqu’à ce que, suivant leur expression, la poudre eût parlé.

La mesure, étant ainsi officiellement annoncée, devint l’objet d’un débat dans le sein de la Commission. Quelques membres se montrèrent satisfaits des explications que M. le ministre avait données ; la grande majorité persista à penser que l’expédition était regrettable, et qu’il était très à désirer que le gouvernement consentît à l’empêcher. Il parut même convenable de formuler, pour être plus tard reproduite dans le rapport, l’opinion de la Commission. On déclara que la majorité de ses membres trouvait l’expédition impolitique, dangereuse, et la croyait de nature à rendre nécessaire un accroissement d’effectif. Cette délibération, combattue comme trop absolue dans les idées et trop vive dans l’expression, par quelques uns même de ceux qui blâmaient l’entreprise, fut inscrite au procès verbal

La ferait-on connaître au gouvernement ? La majorité des membres de la Commission le crut indispensable et urgent. Mais par quel moyen ?

Les uns pensèrent qu’il fallait prier M. le ministre de la guerre de se rendre de nouveau près de la Commission, et là lui communiquer de vive voix les impressions que sa première entrevue avait laissées. D’autres dirent qu’il était plus convenable et plus conforme aux égards que la Commission devait aux ministres du roi, que ce fût M. le président lui-même qui se rendît chez le ministre, lui portât l’expression de l’opinion de la Commission, et lui exposât les motifs sur lesquels cette opinion était fondée. Ce mode fut attaqué par plusieurs membres de la minorité, qui déclarèrent qu’une pareille forme ferait ressembler l’avis de la majorité à une injonction, et pourrait faire accuser la majorité d’avoir voulu porter atteinte à la prérogative de la Couronne. La majorité répondit que sa démarche ne pouvait sérieusement