Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/525

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d’une manière égale, l’amendement n’a point été adopté, et nous n’avons à vous proposer aujourd’hui que le rejet pur et simple du projet de loi.

Notre travail, messieurs, pourrait, à la rigueur, s’arrêter ici ; mais la Commission croit entrer dans les vues de la Chambre en le poussant un peu plus loin.

Dans l’exposé des motifs du projet de loi, le gouvernement a cru devoir vous annoncer qu’il existait deux plans de colonisation distincts : l’un pour la province de Constantine, et l’autre pour celle d’Oran. Il vous a fait distribuer les documents les plus propres à vous bien faire connaître, et à vous permettre d’apprécier ces deux systèmes. La Commission était nécessairement appelée à s’en occuper à son tour. Elle le fera très-brièvement. Quoique différents entre eux sur certains points, les deux plans sont cependant fondés, l’un et l’autre, sur des idées semblables. Tous deux reconnaissent qu’il faut empêcher la colonisation de marcher au hasard, et qu’elle ne peut être la conséquence de transactions individuelles entre les colons et les indigènes ; c’est pour eux une nécessité fondamentale. A l’Etat seul il appartient de fixer d’avance le lieu où les Européens pourront s’établir. Lui seul doit traiter avec les indigènes ; c’est de lui seul que le colon doit tenir son titre. Voilà leur premier principe.

Voici le second : l’Etat ne doit pas se charger de fournir aux particuliers les moyens de fonder leurs exploitations agricoles, ni leur donner le capital dont ils manqueraient. Il n’a en général d’autres dépenses à faire que celles qui ont un caractère public et qui se rapportent à un intérêt collectif.

Tels sont, messieurs, en écartant tous les détails, les principes qui forment la base commune des deux projets dont parle l’exposé des motifs.

L’unanimité de la Commission a admis le premier de ces deux principes. Une minorité a demandé qu’on repoussât l’autre. Suivant les honorables membres qui formaient cette minorité, c’était, en général, l’Etat qui devait se charger de choisir les colons et de les aider par ses secours à s’établir sur le sol. La colonisation à l’aide des capitaux particuliers ne se ferait pas ou se ferait mal. Il ne faut pas espérer que les petits capitaux s’aventurent volontiers en Afrique. Quant aux grands capitaux, ils y viendront dans des vues de négoce