élire par le peuple et qu’il agirait au nom du peuple ? Mais alors, qu’auriez-vous fait ? sinon donner à la tyrannie un air légitime qu’elle n’avait pas, et de lui assurer ainsi la force et la toute-puissance qui lui manquaient. La démocratie étend la sphère de l’indépendance individuelle, le socialisme la resserre. La démocratie donne toute sa valeur possible à chaque homme, le socialisme fait de chaque homme un agent, un instrument, un chiffre. La démocratie et le socialisme ne se tiennent que par un mot, l’égalité ; mais remarquez la différence : la démocratie veut l’égalité dans la liberté, et le socialisme veut l’égalité dans la gêne et dans la servitude. (Très-bien ! très-bien !)
Il ne faut donc pas que la révolution de Février soit sociale ; s’il ne le faut pas, il importe d’avoir le courage de le dire ; si elle ne doit pas l’être, il faut avoir l’énergie de venir le proclamer hautement, comme je le fais moi-même ici. Quand on ne veut pas la fin, il ne faut pas vouloir les moyens ; si on ne veut pas le but, il ne faut pas entrer dans la voie qui y mène. On vous propose aujourd’hui d’y entrer.
Il ne faut pas suivre cette politique qu’indiquait jadis Babœuf, ce grand-père de tous les socialistes modernes. (Rires d’approbation.) Il ne faut pas tomber dans le piège qu’il indiquait lui-même, ou plutôt qu’indiquait en son nom son historien, son ami, son élève, Buonarotti. Écoutez ce que disait Buonarotti ; cela mérite d’être écouté, même après cinquante ans.
Un membre. Il n’y a pas ici de baboviste.
Le citoyen de Tocqueville : « L’abolition de la propriété individuelle et l’établissement de la grande communauté nationale était le dernier but de ses travaux (de Babœuf). Mais il se serait bien gardé d’en faire l’objet d’un ordre le lendemain du triomphe ; il pensait qu’il fallait se conduire de manière à déterminer le peuple entier à proscrire la propriété individuelle par besoin et par intérêt. »