Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/261

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me sentais tout à fait libre, sauf quand je restais seul avec Varenka. Il me semblait toujours qu’en fille pas très jolie, elle eût bien voulu que je devinsse amoureux d’elle. Mais cette confusion commençait à passer aussi. Elle montrait si naturellement qu’il lui était égal de causer avec moi, son frère ou Lubov Sergueievna que je pris l’habitude de la regarder tout simplement comme une personne qui ne voit ni honte, ni danger au plaisir que vous cause sa société. Pendant toute la durée de nos relations, je la trouvai tantôt très laide, tantôt pas très laide, mais je ne me demandai pas une seule fois : Suis-je épris ou non ? Il m’arrivait de lui parler directement, mais le plus souvent je causais avec elle en adressant, en sa présence, la parole à Lubov Sergueievna ou à Dmitri, et ce dernier moyen me plaisait surtout. Je trouvais un grand plaisir à parler devant elle, à l’écouter chanter et en général à me trouver dans la même chambre qu’elle, mais la pensée de mes relations futures avec Varenka, et celle de me sacrifier pour mon ami, s’il s’éprenait de ma sœur, me venaient rarement en tête. Et quand elles venaient, alors me sentant heureux du présent, inconsciemment je tâchais de chasser ces préoccupations d’avenir.

Cependant, malgré ce rapprochement, je continuais de croire de mon devoir strict de cacher à tous les Nekhludov et surtout à Varenka mes véri-