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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol10.djvu/126

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d’un air craintif, s’attendant à chaque instant à recevoir un nouveau coup, et, tout crispé, avec une expression d’horreur, il regardait Rostov de bas en haut. Son visage pâle, blond, jeune, le menton troué d’une fossette, ses yeux bleu-clair, sa figure toute couverte de boue n’étaient pas du tout d’un homme au champ de bataille, d’un ennemi, mais étaient tout à fait ordinaires. Avant même que Rostov eût décidé ce qu’il allait faire, l’officier lui criait :

Je me rends ! Il essayait, en se hâtant, de dégager son pied de l’étrier mais il ne le pouvait pas, et ses yeux bleus, effrayés, regardaient Rostov. Les hussards qui accouraient lui dégagèrent le pied et le remirent en selle. Les hussards se battaient en plusieurs endroits avec les dragons : l’un blessé, le visage en sang, ne lâchait pas son cheval. Un autre grimpé sur la croupe du cheval d’un hussard le prenait à bras-le-corps. Un troisième, soutenu par un hussard, se remettait en selle. L’infanterie française accourait en tirant. Les hussards se retirèrent hâtivement avec leurs prisonniers. Rostov suivait les autres en éprouvant un sentiment désagréable qui lui serrait le cœur. Quelque chose de vague, de confus qu’il ne pouvait s’expliquer s’était éveillé en lui par la capture de cet officier et le coup qu’il lui avait porté. Le comte Osterman Tolstoï rencontrât les hussards qui retournaient. Il appela Rostov, le remercia et