Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol10.djvu/219

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des voitures de voyage appartenant au gouverneur. Sur le perron il rencontra deux gentilshommes ; il en connaissait un. Celui-ci, ancien commissaire de police, parlait avec chaleur :

— Ce n’est pas une plaisanterie. C’est bien quand il n’y a qu’une seule tête : une tête, une misère, mais quand on est treize et qu’on vous amène à perdre tout ce que vous possédez… qu’est-ce que c’est que cette autorité ? Hé ! je les pendrais, les brigands… disait-il…

— Assez, assez ! fit l’autre.

— Et qu’est-ce que cela me fait qu’ils entendent ! Quoi, nous ne sommes pas des chiens, répartit l’ancien policier.

En se retournant il aperçut Alpatitch.

— Ah ! lakov Alpatitch, pourquoi es-tu ici ?

— C’est l’ordre de Son Excellence, chez monsieur le Gouverneur, répondit Alpatitch en levant fièrement la tête et mettant la main dans son gousset, ce qu’il faisait toujours quand il mentionnait le prince.

— On m’a ordonné de me renseigner sur l’état des choses, dit-il.

— Oui, voilà, renseigne-toi ! s’écria le propriétaire. On nous a réduits à une telle extrémité !… pas de chariots, rien !… Voilà, tu entends ? dit-il en désignant le côté d’où venaient les coups.

— On nous a amenés à une telle situation que tout le monde doit périr… Des brigands ! prononça-t-il encore, et il descendit le perron.