Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol10.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il avait laissé sa femme à Moscou —, était aussi à ce bal et, bien qu’il ne fût pas général aide de camp, il avait participé pour une grande somme à la souscription pour la fête. Boris, maintenant riche en argent et en honneurs, ne cherchait déjà plus de protections, mais traitait d’égal à égal avec les supérieurs. Il rencontra à Vilna Hélène qu’il n’avait pas vue depuis longtemps et parut ne pas se rappeler le passé. Mais comme Hélène jouissait des faveurs d’un personnage important et que Boris était récemment marié, ils se rencontrèrent comme de vieux amis.

À minuit on dansait encore. Hélène, qui n’avait pas de cavalier digne d’elle, proposa elle-même à Boris une mazurka. Ils formaient le troisième couple. Boris regardait avec indifférence les épaules nues, éblouissantes d’Hélène, qui émergeaient de sa robe de gaze dorée. Ils parlaient des vieilles connaissances et, en même temps, sans être remarqué, Boris ne cessait d’observer l’empereur qui se trouvait dans la même salle. L’empereur ne dansait pas. Il se tenait dans la porte et arrêtait les uns et les autres avec des paroles aimables que lui seul savait prononcer.

Au commencement de la mazurka, Boris remarqua que le général aide de camp Balachov, un des personnages les plus proches de l’empereur, s’approchait de lui et s’arrêtait, — non pas en courtisan, — très près de l’empereur qui causait avec