Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol10.djvu/91

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dans cette pièce où il entrait. En relevant son épée d’un mouvement gauche il s’adressa à Tchernichov et lui demanda, en allemand, où était l’empereur. Évidemment il voulait traverser au plus vite les salles, se débarrasser des saluts et salamalecks et se mettre à la besogne devant une carte, où il se sentait à l’aise. Il hocha vivement la tête aux paroles de Tchernichov et sourit ironiquement en entendant que l’empereur examinait les fortifications que lui-même avait construites d’après ses théories. Il grommela quelque chose d’une voix basse et rude, comme parlent les Allemands assurés : Dummkopf… ou : zu Grunde die ganze Geschichte… ou : z’wird was gescheites d’raus werden[1].

Le prince André n’entendait pas bien et voulait passer, mais Tchernichov le présenta à Pfull en faisant observer que le prince André revenait de la Turquie où la guerre s’était si heureusement terminée. Pfull regarda moins le prince André qu’au-dessus de lui et prononça en riant : Da muss ein schöner taktischer Krieg gewesen sein[2] et, avec un sourire de mépris, il passa dans la chambre d’où l’on entendait des voix.

Évidemment que Pfull, toujours enclin à l’irritation sarcastisque, était aujourd’hui particulièrement excité par ce fait qu’on avait osé examiner

  1. Imbécile… ou : L’affaire est gâtée… ou : Il en sortira du vilain…
  2. En voilà ! Ce devait être la guerre selon toutes les règles de la tactique !