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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol11.djvu/21

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comment nous nous dirigerions dans telle ou telle conjoncture, se posent les questions suivantes : « Pourquoi Koutouzov, pendant la retraite, n’a-t-il pas agi de telle façon ou de telle autre ? Pourquoi n’a-t-il pas occupé la position avant Fili ? Pourquoi n’a-t-il pas reculé tout de suite sur la route de Kalouga, en quittant Moscou, etc. ? » Les hommes qui sont habitués de penser ainsi oublient ou ignorent les conditions inévitables dans lesquelles s’exerce toujours l’activité d’un général en chef. L’activité du capitaine n’a rien de semblable à celle que nous nous imaginons, assis dans notre cabinet de travail, analysant sur la carte une campagne quelconque, avec une certaine quantité de troupes de part et d’autre et dans un pays connu, et en commençant nos calculs à partir d’un moment précis. Le commandant en chef n’est jamais placé dans les conditions du commencement d’un événement quelconque, dans lesquelles nous examinons toujours cet événement. Le commandant en chef se trouve toujours au milieu de la série mouvementée des événements, et de telle façon que jamais, en aucun moment, il ne peut embrasser toute l’importance de l’événement qui s’accomplit. À certains moments, l’événement, insensiblement, se grave dans son importance, et, à chaque moment de cette apparition graduelle, incessante de l’événement, le commandant en chef se trouve au centre du jeu le plus compliqué des intrigues, des soucis, de la dépen-