Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol11.djvu/26

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çais, avec un des princes allemands qui servaient dans l’armée russe, discutait le siège de Saragosse en prévoyant la possibilité de défendre de cette façon Moscou.) Dans un autre cercle, le comte Rostoptchine se disait prêt à périr sous les murs de la capitale, avec la milice moscovite, mais cependant il exprimait ses regrets de l’incertitude dans laquelle il avait été laissé, et déclarait que lui prévenu, il en eût été autrement… D’autres, en montrant la profondeur de leurs connaissances stratégiques, parlaient de la direction qu’il faudrait faire prendre aux troupes. D’autres disaient de parfaites absurdités.

Le visage de Koutouzov devenait de plus en plus soucieux et triste. De toutes ces conversations il ne voyait qu’une seule chose : qu’il n’y avait aucune possibilité physique de défendre Moscou, c’est-à-dire que s’il se trouvait un commandant en chef assez fou pour donner l’ordre de livrer bataille, il se produirait un tel bouleversement que la bataille ne pourrait pas avoir lieu. Elle n’aurait pas lieu parce que tous les chefs supérieurs non seulement trouvaient la position impossible, mais que dans leurs conversations ils ne discutaient même que ce qui se passerait après l’abandon certain de cette position. Comment donc les chefs pouvaient-ils mener leurs hommes à un champ de bataille qu’ils jugeaient impossible !

Les chefs inférieurs, même les soldats (qui raisonnaient aussi) trouvaient la position impossible ;