Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/108

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grandeur. La grandeur, paraît-il, exclut la possibilité de mesurer le bien et le mal.

Pour les grands le mal n’existe pas ; nulle infamie ne peut être mise au compte de celui qui est grand.

C’est grand ! disent les historiens, et alors il n’y a plus ni bien ni mal, il y a le « grand » et le « non grand » ; « grand », c’est bien, « non grand », c’est mal.

Grand, selon eux, c’est la qualité de quelques êtres particuliers qu’ils appellent les héros. Et Napoléon qui s’enfuyait dans une belle pelisse en abandonnant et ses compagnons qui succombaient et des hommes que, selon son opinion, lui-même avait amenés là, trouve que c’est grand et son âme est tranquille.

Du sublime (il voit en lui-même quelque chose de sublime) au ridicule il n’y a qu’un pas, dit-il.

Et tout le monde depuis cinquante ans répète : Sublime ! Grand ! Napoléon le Grand ! Du sublime au ridicule il n’y a qu’un pas.

Et personne ne pense que le fait de reconnaître l’incommensurabilité de la grandeur avec la mesure du bien et du mal est l’aveu de sa nullité et de son infinie petitesse.

Pour nous, avec la mesure du bien et du mal que nous a donnée Christ, il n’y a rien d’incommensurable. Et il n’y a pas grandeur où il n’y a pas simplicité, bonté et vérité.