Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/144

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comprenait alors l’importance de l’événement. Ses actes — tous sans exception — tendent à ce triple but : déployer toutes ses forces pour combattre les Français, les vaincre, les chasser de la Russie en allégeant autant que possible les calamités du peuple et de l’armée.

Lui, ce lambin de Koutouzov dont la devise est : la patience et le temps, lui, l’ennemi des actes décisifs, livre la bataille de Borodino avec des préparatifs extérieurs solennels. Lui, Koutouzov, qui à la bataille d’Austerlitz avait dit, avant qu’elle fût engagée, qu’elle serait perdue, à Borodino, malgré les exhortations des généraux, qui jugent la bataille perdue, malgré l’exemple inouï dans l’histoire qu’après la bataille gagnée l’armée doive se retirer, lui seul contre tous, jusqu’à sa mort, affirme que la bataille de Borodino est une victoire. Lui seul, pendant toute la retraite, insiste pour ne pas livrer de batailles maintenant inutiles, pour ne pas recommencer une nouvelle guerre et ne pas franchir la frontière de la Russie.

Il est maintenant facile de comprendre l’importance de l’événement — si l’on applique seulement à l’activité des masses des buts qui furent dans la tête de dizaines d’hommes — puisqu’il est tout entier devant nous avec ses conséquences. Mais alors, comment ce vieillard seul entre tous pouvait-il deviner si exactement l’importance du sens profond de l’événement qu’il