Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/170

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le passage de la Bérésina avait précisément perdu les Français. En réalité, les résultats du passage de la Bérésina étaient beaucoup moins pernicieux pour les Français, au point de vue de la perte des canons et des prisonniers, que par exemple Krasnoié, ainsi qu’il résulte des chiffres.

La seule importance du passage de la Bérésina, c’est qu’il montra avec une évidence indéniable la fausseté de tous les plans d’attaque et la justesse d’un seul plan possible exigé par Koutouzov et par toute l’armée : plan qui consistait seulement à suivre l’ennemi.

La foule des Français s’enfuyait avec une rapidité toujours croissante, avec toute l’énergie dirigée pour atteindre le but. Elle s’enfuyait comme un animal blessé et ne pouvait s’arrêter en route. C’est moins le passage que le mouvement sur les ponts qui l’a prouvé. Quand les ponts étaient coupés, les soldats, les habitants de Moscou, les femmes, les enfants qui étaient parmi les Français, tous, sous l’influence de la vitesse acquise, ne s’arrêtaient pas, mais couraient en avant sur les bateaux, dans l’eau glacée.

Ce but était raisonnable. La situation de ceux qui fuyaient et de ceux qui poursuivaient était également mauvaise. En restant avec les siens, chacun espérait trouver dans le malheur l’aide d’un camarade, sa place marquée parmi les siens. Mais en se rendant aux Russes ils restaient dans la même si-