Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lement la confiance de la princesse en évoquant les souvenirs des meilleurs jours de sa jeunesse et lui montrant sa sympathie. Et cependant, toute la ruse de Pierre ne consistait qu’à chercher son plaisir en évoquant en la princesse méchante et sèche, aux manières orgueilleuses, des sentiments humains.

« Oui, il est bon, très bon, quand il ne se trouve pas sous l’influence de méchantes gens, mais de personnes telles que moi », se disait la princesse.

Le changement qui s’était accompli en Pierre était remarqué également par ses domestiques, Terentï et Vaska ; ils le trouvaient beaucoup plus simple. Souvent Terentï, après avoir déshabillé son maître, les bottes et les habits à la main, bien qu’il eût déjà dit bonne nuit, ne se hâtait pas de partir, attendant si le maître n’entamerait pas la conversation. Et le plus souvent Pierre, observant que Terentï avait envie de causer, le retenait.

— Eh bien ! Raconte-moi donc… Comment vous êtes-vous procuré des vivres ? demandait-il. Et Terentï se mettait à parler du sac de Moscou, du feu comte, et restait debout longtemps, les habits à la main, à narrer ou à écouter les récits de Pierre, et, avec l’impression agréable de la proximité du maître et de son amitié pour lui, s’en allait à l’office.

Le docteur qui soignait Pierre et allait le voir chaque jour, bien que, suivant les habitudes des