Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/243

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on voit que d’année en année, avec chaque nouvel écrivain le critérium de ce qui est le bien de l’humanité se modifie, de sorte que ce qui d’abord semblait le bien, dix ans après paraît mauvais, ou inversement. C’est peu. Souvent, en même temps, nous trouvons dans l’histoire des opinions tout à fait contraires sur ce qui est mal ou bien. Les uns font un mérite à Alexandre de la constitution donnée à la Pologne, de la Sainte-Alliance, d’autres les lui reprochent.

De l’activité d’Alexandre et de Napoléon on ne peut dire qu’elle fut utile ou nuisible, car nous ne pouvons dire pourquoi elle fut utile, pourquoi elle fut nuisible. Si cette activité déplaît à quelqu’un, c’est parce qu’elle ne concorde pas avec sa conception bornée de ce qui est le bien. Si la conservation de la maison de mon père, à Moscou, en 1812, ou la gloire des troupes russes, ou la prospérité des universités de Pétersbourg et d’ailleurs, ou la liberté de la Pologne, ou la puissance de la Russie, ou l’équilibre européen, ou le progrès européen, si tout cela me semble le bien, alors je dois reconnaître que l’activité de chaque personnage historique avait, outre son but particulier, d’autres buts plus généraux et inaccessibles à moi.

Mais, supposons qu’une prétendue science ait la possibilité de concilier toutes les contradictions et possède pour les personnages historiques et les événements une mesure fixe du bon et du mauvais ;