Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/247

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Mais que les moutons cessent de penser que tout ce qu’on leur fait n’a en vue que leur but moutonnier, qu’ils admettent que les événements qui leur arrivent peuvent avoir un but incompréhensible pour eux, et aussitôt ils aperçoivent l’unité, la conséquence logique en ce qui se passe avec le mouton nourri à part. Si même ils ne savent pas pourquoi il est ainsi nourri, au moins ils savent que tout ce qui est arrivé au mouton n’est pas arrivé par hasard et ils n’auront plus besoin ni de la conception du hasard ni de celle du génie.

C’est seulement en renonçant à connaître le but très proche, compréhensible, et en admettant que le but final nous est inaccessible que nous verrons la raison d’être de la vie des personnages historiques. Nous comprendrons la cause de cette action incommensurable avec les qualités humaines ordinaires qui la produisent et les mots hasard et génie ne nous seront plus nécessaires.

Il suffit d’admettre que la finalité des troubles des peuples européens nous est inconnue ; que nous ne connaissons que des faits, — des meurtres, — d’abord en France, ensuite en Italie, en Afrique, en Prusse, en Autriche, en Espagne, en Russie ; que le mouvement de l’Occident à l’Orient, et de l’Orient à l’Occident fait le sens et le but des événements, et non seulement nous n’aurons pas besoin de voir un cas spécial et le génie dans le caractère de Napoléon et d’Alexandre, mais nous