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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/263

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paraître gai. Mais sa gaîté ne se communiquait pas comme autrefois, au contraire, elle provoquait la compassion de ceux qui le connaissaient et l’aimaient.

Après le départ de Pierre et de sa femme, il se calma et commença à se plaindre de l’ennui. Quelques jours après il tomba malade et s’alita. Dès le début de sa maladie, malgré les consolations des docteurs, il comprit qu’il ne s’en remettrait pas. Durant deux semaines, la comtesse, sans prendre de repos, resta à son chevet. Chaque fois qu’elle lui donnait sa potion, sans mot dire il saisissait sa main et la baisait. Le dernier jour, en sanglotant, il demanda pardon à sa femme, et bien que son fils ne fût pas là, il lui demanda pardon de la perte de leur fortune, la seule grande faute dont il se sentît coupable. Après avoir communié, il s’éteignit doucement et, le lendemain, la foule des amis et connaissances venus pour rendre les derniers devoirs au défunt emplit l’appartement qu’avaient loué les Rostov.

Toutes ces personnes qui tant de fois avaient dîné et dansé chez lui, qui tant de fois s’étaient moquées de lui, maintenant, toutes avec le même sentiment de remords et d’attendrissement, disaient, comme pour se justifier : « Oui, tel quel, c’était un homme admirable, on ne rencontre plus aujourd’hui d’hommes pareils… Et qui n’a pas ses faiblesses ! »