Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/272

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elle décida de se tenir envers lui sur le même ton.

Il se mit à parler de la santé de la comtesse, des connaissances communes, des dernières nouvelles de la guerre, et quand les dix minutes exigées par la politesse après lesquelles l’hôte peut se lever, furent écoulées, Nicolas se leva pour saluer.

La princesse, avec l’aide de mademoiselle Bourienne, avait très bien soutenu la conversation, mais à la fin, quand il se leva, elle était si fatiguée d’avoir causé de ce qui n’avait rien de commun avec elle et la douloureuse pensée du peu de joie qu’elle seule avait dans la vie l’absorbait tant, que, fixant devant soi ses yeux rayonnants, elle restait assise immobile sans remarquer qu’il était debout.

Nicolas la regardait et, pour avoir l’air de ne pas remarquer sa distraction, il dit quelques mots à mademoiselle Bourienne, puis regarda de nouveau la princesse. Elle était toujours assise immobile et son doux visage exprimait la souffrance.

Tout à coup il se mit à la plaindre et il songea vaguement que peut-être c’était lui la cause de cette douleur qui se peignait sur son visage.

Il voulut lui dire quelque chose d’aimable, mais il ne trouva rien.

— Adieu, princesse, dit-il.

Elle se ressaisit, rougit et soupira profondément.

— Ah ! pardon ! dit-elle. Vous partez déjà,