Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/283

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tin et entre autres il lui parla du starosta de Bogoutcharovo.

La comtesse Marie, tantôt rouge, tantôt pâle, les lèvres pincées, restait dans la même attitude et ne répondait rien aux paroles de son mari.

— Quel coquin ! disait-il, s’échauffant au souvenir. Qu’il me dise qu’il était ivre, qu’il n’a pas été… Mais qu’as-tu, Marie ? demanda-t-il tout à coup.

La comtesse Marie leva la tête, voulut dire quelque chose mais, de nouveau, inclina hâtivement la tête et plissa les lèvres.

— Qu’as-tu ? Qu’as-tu, mon amie ?

La laide comtesse Marie embellissait toujours en pleurant. Elle ne pleurait jamais de souffrance ou de dépit, mais de douleur et de pitié. Quand elle pleurait, ses yeux rayonnants avaient un charme invincible. Dès que Nicolas lui prit la main elle n’eut pas la force de se retenir et ses larmes coulèrent.

— Nicolas, j’ai vu… Il est coupable, mais toi… Pourquoi as-tu fait cela, Nicolas ?

Elle cacha son visage dans ses mains.

Nicolas se tut, rougit, et, s’éloignant d’elle, en silence il se mit à marcher dans la chambre. Il comprit pourquoi elle pleurait, mais il ne put admettre du premier coup qu’un acte auquel il était habitué depuis l’enfance et qu’il trouvait ordinaire, fût mauvais.

— « Sont-ce des bêtises de femme ou a-t-elle raison ? » se demandait-il.