Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/286

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en plus à mesure qu’il découvrait les trésors de son âme.

Sonia, depuis le mariage de Nicolas, vivait dans sa maison. Encore avant son mariage, Nicolas, en s’accusant et la louant, avait raconté à sa femme tout ce qui s’était passé entre eux et lui avait demandé d’être bonne et tendre envers sa cousine. La comtesse Marie sentait parfaitement la faute de son mari et la sienne envers Sonia, elle pensait que sa fortune avait eu de l’influence sur le choix de Nicolas, elle n’avait rien à reprocher à Sonia, elle désirait l’aimer, cependant, non seulement elle ne l’aimait pas, mais, en son âme, elle trouvait envers elle de mauvais sentiments qu’elle ne pouvait vaincre.

Une fois qu’avec son amie Natacha, elle causait de Sonia et de son injustice envers elle, Natacha lui dit :

— Sais-tu, tu as lu beaucoup l’Évangile, il y a un passage qui se rapporte tout à fait à Sonia.

— Quoi ? demanda étonnée la princesse Marie.

— Celui-ci : Tu te rappelles. « On donnera à celui qui possède et il aura encore davantage, mais à celui qui n’a rien on lui ôtera même ce qu’il a[1] ». Elle est celle qui n’a rien. Pourquoi ? Je ne sais pas. Il lui manque peut-être l’égoïsme, je ne sais, mais tout lui est ôté, tout. Parfois je la plains beaucoup. Autrefois je désirais vive-

  1. Matthieu, xxv-29.