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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/29

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sonne portaient une expression de calme et de contentement de soi.

Bien qu’on n’eût pu dire quelle était la particularité du cheval et du cavalier, cependant, du premier coup d’œil sur le capitaine et Denissov, on voyait celui-ci tout mouillé, gauchement installé sur son cheval, tandis que le capitaine semblait tout à fait à son aise : ce n’était pas un homme à cheval mais un homme faisant corps avec le cheval, un seul être possédant une double force.

Un peu devant eux allait le guide, un paysan mouillé jusqu’aux os, en cafetan gris et bonnet blanc. Un peu derrière, sur un petit cheval maigre, fin, de Kirguis, à queue et crinière longues, les lèvres déchirées jusqu’au sang, suivait un jeune officier en capote bleue française. À côté d’eux chevauchait un hussard, qui avait en croupe un garçon en uniforme français déchiré et bonnet bleu. Le gamin, avec ses mains rouges de froid, s’accrochait au hussard, secouait ses jambes nues pour tâcher de les réchauffer et, les sourcils soulevés, regardait autour de lui. C’était le tambour français pris le matin. Derrière, sur le chemin étroit, humide, piétiné, les hussards suivaient par rangs de trois ou quatre. Puis c’étaient les Cosaques, les uns en bourka, les autres en capotes françaises, quelques-uns avec des couvertures de chevaux jetées sur la tête. Tous les chevaux roux et bais semblaient noirs à cause de la pluie dont ils étaient