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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/290

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colte, mais la veille, il se croyait le droit de vivre comme à l’habitude.

Avant le dîner, Nicolas contrôla les comptes du gérant du domaine de Riazan, propriété du neveu de sa femme, il écrivit deux lettres d’affaires et se rendit dans le clos et dans la cour du bétail et des chevaux. Ayant pris des mesures contre la beuverie générale qu’il fallait attendre le lendemain, à cause de sa fête, il rentra pour dîner, et, sans avoir pu se trouver en tête-à-tête avec sa femme, il s’assit devant une longue table de vingt couverts où étaient réunis ses familiers. À la table il y avait sa mère, la vieille madame Bielova, qui vivait près d’elle, sa femme, ses trois enfants, une institutrice, l’institutrice de son neveu et son gouverneur, Sonia, Denissov, Natacha et ses trois enfants, leur gouvernante, le vieil architecte Mikhaïl Ivanitch, qui coulait ses jours en repos à Lissia-Gorï.

La comtesse Marie était assise au bout de la table. Aussitôt que son mari s’assit à sa place, au geste dont il déplia sa serviette et repoussa brusquement les verres qui étaient devant lui, elle jugea qu’il était de mauvaise humeur, comme cela lui arrivait, surtout avant la soupe, quand il revenait tout droit des champs pour se mettre à table. La comtesse Marie connaissait très bien cette humeur et, quand elle-même était bien disposée, elle attendait tranquillement qu’il eût mangé sa soupe et seulement alors lui causait et le forçait d’avouer