Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/309

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Natacha, pendant ces deux semaines d’inquiétude, avait si souvent recours à son enfant pour se calmer, elle s’occupait si souvent de lui, lui donnait si souvent le sein qu’il tomba malade.

Elle fut horrifiée de sa maladie, mais en même temps, c’était précisément ce qu’il lui fallait : en le soignant elle supportait plus facilement l’inquiétude que lui causait l’absence de son mari.

Elle allaitait quand la voiture de Pierre s’arrêta près du perron, et la vieille bonne, qui savait comment réjouir sa maîtresse, doucement mais rapidement, le visage réjoui, entra dans la chambre.

— Il est arrivé ? demanda rapidement Natacha craignant de se mouvoir et d’éveiller l’enfant qui s’endormait.

— Il est arrivé, madame !

Le sang afflua au visage de Natacha, ses jambes, malgré elle, firent un mouvement, mais elle ne pouvait pas s’élancer et courir. Le bébé ouvrit ses petits yeux et regarda. « Tu es ici ? » parut-il dire, et, de nouveau, paresseusement, il remua les lèvres. Natacha lui retira doucement le sein en le berçant, donna l’enfant à la vieille bonne, puis, à pas rapides, elle se dirigea vers la porte. Là elle s’arrêta saisie du remords de se trop réjouir et d’abandonner trop vite l’enfant. Elle se retourna.

La vieille bonne posait le bébé dans son berceau.

— Allez, allez, madame, soyez tranquille, allez,