Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/325

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tout le gouvernement, reprit imprudemment Pierre. Et quel gouvernement ! En tout ils voient la conjuration, ils ont peur de tout.

— Comment ! De quoi le prince Alexandre Nikolaiévitch est-il coupable ? C’est un homme très respectable. Je l’ai rencontré autrefois chez Maria Antonovna, prononça la comtesse d’un ton fâché ; et encore plus offensée du silence qui se faisait, elle continua : — Aujourd’hui on juge tout le monde. La Société évangélique ? Eh bien ! Qu’y a-t-il de mal ?

Elle se leva (tous se levèrent aussi) et, l’air sévère, se dirigea vers le divan près de sa table. Au milieu du silence triste qui s’était établi arrivèrent des rires et des voix d’enfants. Évidemment un incident joyeux se produisait parmi eux.

— C’est prêt ! C’est prêt ! disait la voix de la petite Natacha, dominant toutes les autres. Pierre échangea un regard avec la comtesse Marie et Nicolas (il ne perdait pas des yeux Natacha) et sourit joyeusement :

— Voilà une merveilleuse musique, dit-il.

— C’est Anna Makharovna qui a terminé son tricot, dit la comtesse Marie.

— Oh ! j’irai voir ! fit Pierre en bondissant. Tu sais pourquoi j’aime particulièrement cette musique ? dit-il en s’arrêtant près de la porte. Eux les premiers me font savoir que tout va bien. Aujourd’hui j’arrive : plus j’approche de la maison plus ma peur