Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/340

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— Quand je lui ai dit que le devoir et le serment sont au-dessus de tout, il s’est mis à prouver Dieu sait quoi ; je regrette que tu n’aies pas été là. Qu’aurais-tu dit ?

— Selon moi, tu as tout à fait raison, je l’ai dit franchement à Natacha. Pierre dit que tous souffrent, se tourmentent, se dépravent et que notre devoir est d’aider notre prochain. Sans doute il a raison, mais il oublie que nous avons d’autres devoirs, plus proches, que Dieu lui-même nous a indiqués et que nous pouvons nous risquer nous-mêmes mais pas nos enfants.

— Voilà, voilà, c’est précisément ce que je lui disais, dit Nicolas qui croyait en effet avoir dit la même chose, et ils ont continué d’exprimer leurs pensées : l’amour du prochain et le Christianisme, tout cela devant Nikolenka qui s’était faufilé dans le cabinet et m’a tout cassé.

— Ah ! sais-tu, Nicolas, Nikolenka me tourmente si souvent. C’est un garçon extraordinaire. J’ai peur de le négliger pour mes enfants. Nous tous avons des enfants, tous ont leurs parents et lui personne. Il est toujours seul avec ses pensées.

— Sans doute, mais il me semble que tu n’as rien à te reprocher, tu fais pour lui ce que la mère la plus tendre fait pour son fils, et j’en suis très content. C’est un brave garçon. Aujourd’hui, il a écouté Pierre dans une sorte d’extase. Imagine-toi, nous allons souper, je regarde, il a tout brisé