Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/71

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« Eh bien ! Plus bas, plus bas, attention maintenant ! » Et les sons lui obéissaient. « Eh bien ! Maintenant, plus large, plus gai. Encore plus gai, plus joyeux ! » Et de la profondeur inconnue s’élevaient des sons grandissants, solennels.

« Eh bien ! Les voix, ensemble ! » ordonnait Pétia.

D’abord, de loin, s’entendaient des voix d’hommes, ensuite des voix de femmes. Les sons grandissaient dans un effort régulier, solennel.

Pétia était effrayé et heureux de leur beauté surnaturelle.

Les chants se confondaient avec une marche régulière, imposante ; les gouttes tombaient et zzzzz, le sabre s’aiguisait, de nouveau les chevaux se battaient, s’ébrouaient, sans interrompre le chœur et se confondant avec lui.

Pétia ne savait combien de temps cela durait. Il avait du plaisir, et il s’étonnait et regrettait seulement de n’avoir personne avec qui le partager.

La voix sympathique de Likatchov l’éveilla :

— Votre Seigneurie, c’est prêt ! Vous couperez les Français en deux !

Pétia s’éveilla.

— Déjà le jour ! Vraiment il fait jour ! s’écria-t-il.

Les chevaux, qu’on ne voyait pas auparavant, commençaient à être distincts jusqu’à la queue, et, à travers les branches nues, montait une lueur blanchâtre. Pétia se secoua, bondit, tira de sa poche un rouble et le donna à Likatchov. Il exa-