voix et un grand talent musical), ou sentait-il
que le moment de parler franchement était venu
et qu’une foule de questions exigeant une réponse
s’élevaient dans son âme ; mais sa question ne
surprit aucun de nous. — « Pourquoi la peinture ?
Pourquoi faut-il bien dessiner ? » dis-je, ne sachant
point comment lui expliquer le but de l’art.
— « Pourquoi la peinture ? » répétait-il pensivement.
Il demandait précisément ce qu’est l’art, et moi, je
n’osais et ne savais le lui expliquer. — « Pourquoi
la peinture ? dit Siomka : on peint tout, on dessine
tout ; on peut, avec un modèle, faire n’importe
quel objet ». — « Non, c’est le dessin linéaire !
objecta Fedka. Mais pourquoi dessiner des têtes ? »
La nature saine de Siomka ne s’embarrassait pas :
— « Pourquoi le bâton ? Pourquoi le tilleul ? » dit-il
en frappant le tilleul. — « Oui, eh bien ! Pourquoi
le tilleul ? » dis-je. — « Pour faire des planches »,
répondit Siomka. — « Et l’été, quand il n’est pas
encore coupé, à quoi sert-il ? » — « Il est inutile. »
— « Non, interrompit obstinément Fedka ; mais
pourquoi pousse-t-il ? »
Et nous nous mîmes à dire que l’utilité n’est pas tout, qu’il y a la beauté, et que l’art, c’est la beauté ; et nous nous comprîmes. Et Fedka comprit parfaitement, et pourquoi pousse le tilleul, et pourquoi il faut chanter. Pronka était d’accord avec nous, mais il comprenait mieux la beauté morale, le bien. La grande intelligence de Siomka