Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol14.djvu/201

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le font les chiens enragés, j’aurais entendu parler de lui. Il avait dû se sauver dans quelque fourré perdu, et y mourir seul. Les chasseurs prétendent qu’un chien intelligent, lorsqu’il est atteint de rage mue, s’enfuit dans les champs ou dans les bois pour chercher une herbe dont il a besoin, se roule dans la rosée et se soigne lui-même. Évidemment Boulka n’avait pu se guérir. Il ne revint point et disparut à jamais.


Le Lièvre gris.

Un lièvre gris vivait, l’hiver, près du village. Un soir, à la nuit tombante, il dressa une oreille, écouta, dressa l’autre, agita ses moustaches, flaira et s’assit sur ses pattes de derrière. Puis il sauta une fois, deux fois, sur la neige épaisse, s’assit de nouveau sur ses pattes de derrière et se mit à regarder autour de lui. La neige, en couches onduleuses et brillantes comme du sucre, l’environnait de toutes parts. Au-dessus du lièvre, une buée glacée laissait transparaître les étoiles grandes et brillantes. Le lièvre devait traverser la grand’route pour arriver à l’aire. Sur la grand’route, on ententendait le grincement d’un traîneau, l’ébrouement des chevaux, les craquements du siège.

Le lièvre s’arrêta de nouveau près de la route. Des paysans marchaient près du traîneau, le col du cafetan relevé. On voyait à peine leurs visages.