Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol14.djvu/56

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sapin, tilleul, bouleau, ce que le maître ne pourrait pas dire ; un élève parlera beaucoup mieux du chat ou de la poule que le maître, parce qu’il les a observés mieux que lui ; au lieu d’un problème quelconque sur le chariot, l’enfant connaît ceux des corbeaux, ceux du bétail, ceux des oies. (Voici le problème des corbeaux : Des corbeaux volent en bande, des chênes se trouvent sur leur chemin. Si deux corbeaux s’arrêtent sur chaque arbre, il n’y aura pas assez de corbeaux ; si un seul s’arrête sur chaque arbre, il n’y aura pas assez de chênes. Combien y a-t-il de corbeaux ? combien y a-t-il de chênes ? Le problème du bétail est le suivant : On veut pour cent roubles acheter cent têtes de bétail ; un petit veau coûte cinquante kopeks, une vache trois roubles, un bœuf dix roubles. Combien peut-on acheter de bœufs, de vaches et de veaux ?)

Les pédagogues de l’école allemande ne comprennent même pas cette finesse, ce véritable développement par la vie, ce dégoût de toute fausseté, cette raillerie toujours à l’affût de tout ce qui est faux, toutes choses qui caractérisent l’esprit des enfants des paysans russes, et c’est pour cela seul qu’ils exercent leur métier si hardiment (comme je l’ai vu moi-même) sous le feu de quarante paires d’yeux d’enfants très intelligents qui se moquent d’eux. C’est pourquoi un vrai maître qui connaît le peuple et ses élèves, malgré les prescriptions les plus sévères d’enseigner aux enfants des paysans