Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle de cette allure particulière et aisée, exclusivement propre aux directeurs de cotillons, puis la saluant, sans même lui faire d’invitation, il arrondit son bras pour enlacer sa fine taille. Elle se retourna pour remettre à quelqu’un son éventail et ce fut la maîtresse du logis qui, en souriant, le lui prit.

— Vous avez eu raison de venir de bonne heure, dit-il en passant son bras autour d’elle. Je réprouve cette mode d’arriver toujours en retard.

Elle appuya sa main gauche sur son épaule, et ses petits pieds chaussés de rose, légèrement et en mesure, glissèrent sur le parquet brillant.

— On se repose en valsant avec vous, lui dit-il en faisant lentement les premiers tours de valse. C’est délicieux ! quelle légèreté et quelle précision, lui disait-il, répétant la phrase qu’il disait invariablement à presque toutes ses danseuses.

Ce compliment la fit sourire et, par-dessus l’épaule de son danseur, elle continua d’observer la salle. Elle n’était déjà plus la jeune fille qui paraît pour la première fois dans le monde et pour laquelle toutes les physionomies se confondent en une impression générale ; elle n’était pas encore non plus la jeune fille blasée, ennuyée de retrouver toujours, dans les bals, invariablement les mêmes têtes ; elle tenait le milieu entre les deux, si bien que tout en prenant du plaisir, elle observait avec calme.

À gauche de la salle, dans un coin, elle voyait se grouper l’élite de la société. Là se trouvaient la belle