Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/192

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— C’est en haut, nos 12 et 13, répondit le concierge à Lévine, qui s’informait de l’endroit où demeurait son frère.

— Est-il chez lui ?

— Il doit y être.

La porte du no  12 était entr’ouverte et par l’entrebâillement, dans une raie de lumière, s’échappait une fumée épaisse de mauvais tabac et s’entendait une voix inconnue de Lévine. Mais celui-ci reconnut bientôt la présence de son frère, à sa petite toux nerveuse. Au moment où il poussa la porte, la voix enrouée disait :

— Tout dépend de la façon dont l’affaire sera menée, raisonnablement, consciemment…

Constantin Lévine jeta un coup d’œil à travers la porte et vit que celui qui parlait ainsi était un jeune homme en lévite, à la chevelure épaisse ; il aperçut aussi une jeune femme légèrement grêlée, vêtue d’une robe de lainage, sans manchettes ni col, et qui se tenait assise sur le divan. Il ne voyait pas son frère. Son cœur se serra à la pensée qu’il vivait au milieu d’étrangers.

Personne ne l’avait entendu, et Constantin, en retirant ses galoches, écoutait ce que disait l’homme en lévite. Il parlait d’une entreprise quelconque.

— Que le diable emporte la classe privilégiée ! prononçait avec un toussotement la voix de son frère. Macha, sers-nous à souper et donne du vin s’il en reste, sinon va en chercher.