chain et d’ici là de ne pas vous importuner, au reste il est inutile qu’il se dérange pour rien, dit-il, ayant évidemment préparé sa phrase à l’avance.
Stépan Arkadiévitch comprit que Matthieu voulait plaisanter et se faire remarquer. Il ouvrit le télégramme et le lut en devinant les mots écorchés comme toujours ; aussitôt son visage s’éclaircit.
— Matthieu, ma sœur, Anna Arkadiévna, arrive demain ! dit-il, en arrêtant pour un moment la main luisante et épaisse du barbier qui traçait une raie rose dans sa barbe frisée.
— Grâce à Dieu ! dit Matthieu montrant par cette exclamation qu’il comprenait comme son maître l’importance de cette nouvelle : il savait qu’Anna Arkadiévna, la sœur préférée de Stépan Arkadiévitch, pouvait aider à la réconciliation des époux.
— Vient-elle seule ou avec son mari ? demanda Matthieu.
Stépan Arkadiévitch ne pouvait parler, car le barbier, tout à son travail, l’en empêchait. Il leva un doigt. Matthieu, dans le miroir, hocha la tête.
— Seule ! dit-il. Faut-il préparer la chambre d’en haut ?
— Annonce la nouvelle à Daria Alexandrovna. Elle te donnera les ordres.
— À Daria Alexandrovna ! répéta Matthieu d’un air de doute.
— Oui, annonce-lui. Tiens, prends le télégramme ; donne-le-lui, tu verras ce qu’elle dira.