Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/310

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au lieu de songer comme d’habitude aux affaires du service, il ne pensait qu’à sa femme, et cette pensée s’accompagnait de réflexions désagréables.

Contrairement à son habitude, il ne se mit pas au lit, mais les mains derrière le dos, il commença à marcher à travers les chambres.

Quand Alexis Alexandrovitch avait décidé qu’il était nécessaire de parler à sa femme, cela lui avait paru très facile et très simple, mais maintenant, en y réfléchissant, cela lui semblait difficile et embarrassant.

Il n’était pas jaloux. La jalousie, selon lui, était une offense pour la femme, et il fallait avoir confiance. Pourquoi fallait-il avoir confiance, c’est-à-dire avoir l’assurance complète d’être toujours aimé de sa femme, il ne se le demandait pas, mais il ne ressentait pas de méfiance, c’est pourquoi il avait confiance et se disait qu’on doit en avoir. Et maintenant, bien que sa conviction fût que la jalousie est honteuse et que la confiance est nécessaire, il se sentait en face d’une situation illogique, embrouillée et ne savait que faire. Il était en face de la vie, il envisageait la possibilité que sa femme en aime un autre que lui et cela lui semblait un fait incohérent et incompréhensible, parce que c’était la vie elle-même.

Alexis Alexandrovitch avait toujours vécu et travaillé dans les sphères du fonctionnarisme, où l’on ne rencontre qu’une vie factice, et chaque fois