— Eh bien, comment marchent chez vous les affaires du zemstvo ? demanda Serge Ivanovitch qui s’intéressait beaucoup aux zemstvos et leur attribuait une grande importance.
— À vrai dire, je ne sais pas…
— Comment ? Tu es pourtant membre du conseil ?
— Non, je n’en fais plus partie, j’ai donné ma démission, répondit Lévine, et je ne vais plus aux assemblées.
— C’est dommage, remarqua Serge Ivanovitch en fronçant les sourcils.
Lévine, pour se justifier, commença à raconter ce qui se faisait aux assemblées de son district.
— Voilà, c’est toujours la même chose, l’interrompit Serge Ivanovitch ; nous autres Russes, nous sommes toujours comme cela ; peut-être est-ce même là le meilleur trait de notre caractère, cette faculté de voir nos propres défauts ; mais nous exagérons, et nous nous consolons par l’ironie qui est toujours au bout de notre langue. Je ne te dirai que ceci : donne ces mêmes droits que possèdent nos zemstvos à un autre peuple européen, les Allemands ou les Anglais, et ils élaboreront la liberté, alors que nous, nous nous contentons de nous moquer.
— Mais que faire ? répondit Lévine comme un coupable. C’était ma dernière expérience et je m’y suis donné de toute mon âme. Je suis incapable…
— Tu n’es pas incapable, dit Serge Ivanovitch, mais tu envisages autrement l’affaire.