Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/67

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en ce moment, en son âme, avec la conscience que ce serait une mauvaise action.

— Évidemment, il veut me blesser, continua Serge Ivanovitch ; cependant il ne saurait m’insulter, et de toute mon âme je désirerais lui venir en aide, mais je sais que c’est impossible.

— Oui, oui, répéta Lévine, je comprends et j’approuve tes rapports avec lui… mais j’irai le voir.

— Si tu en as envie, vas-y, mais je ne te le conseille pas, dit Serge Ivanovitch… Personnellement, je n’ai rien à craindre… il ne peut s’élever de querelle entre nous deux, mais pour toi, il vaudrait mieux n’y pas aller, je te donne ce conseil. On ne peut rien faire pour lui… Cependant tu agiras à ta guise.

— Peut-être ne peut-on rien faire, mais je sens, surtout en ce moment, que je ne puis rester indifférent.

— Ma foi, je ne comprends pas cela, dit Serge Ivanovitch. Je ne vois qu’une seule chose, ajouta-t-il : que c’est pour nous une leçon d’humilité. J’ai commencé à regarder d’un autre œil et avec plus d’indulgence ce qu’on appelle la lâcheté, depuis que Nicolas est devenu ce qu’il est… tu sais ce qu’il a fait ?…

— Ah ! c’est terrible, terrible, répéta Lévine.

Muni de l’adresse de son frère que lui remit le valet de Serge Ivanovitch, Lévine se prépara aussitôt à aller chez lui ; mais, après réflexion, il décida