Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/84

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— Non, fais comme pour toi, dit Lévine ne pouvant retenir un sourire.

Et le Tatar, avec les pans flottants de son habit, accourut cinq minutes après, portant d’une main les huîtres ouvertes dans leurs coquilles nacrées, et de l’autre, entre ses doigts, une bouteille.

Stépan Arkadiévitch froissa sa serviette amidonnée, en passa un coin dans son gilet, et, posant tranquillement les mains sur la table, se mit à manger.

— Pas mauvaises ! fit-il, en détachant les huîtres avec une fourchette d’argent et les avalant l’une après l’autre.

— Pas mauvaises ! répéta-t-il, portant ses yeux humides et brillants tantôt sur son ami, tantôt sur le Tatar.

Lévine mangeait des huîtres, bien qu’il eût préféré du pain blanc avec du fromage ; mais il ne pouvait s’empêcher d’admirer Oblonskï. Le Tatar lui-même, qui avait débouché le champagne et versait le vin mousseux dans de fines coupes de cristal, tout en redressant sa cravate blanche, regardait Stépan Arkadiévitch avec un sourire heureux.

— Ah ! tu n’aimes pas beaucoup les huîtres ? dit Stépan Arkadiévitch en vidant sa coupe. Ou bien alors, tu as des soucis.

Il aurait voulu que Lévine fût gai ; mais celui-ci, bien que n’étant pas triste, se sentait tout au moins gêné. Avec le sentiment qui emplissait son âme, il se sentait mal à l’aise dans le restaurant, parmi