Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/97

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c’est-à-dire, non… pour mieux dire, il y a des femmes et il y a des… Je n’ai pas encore vu et ne verrai jamais de nobles créatures tomber. Des femmes comme cette Française maquillée et frisée qui est à la caisse, sont pour moi des monstres, et toutes les femmes tombées le sont comme celle-ci.

— Et celle de l’Évangile ?

— Ah ! je t’en prie ! Le Christ n’aurait jamais prononcé de telles paroles s’il avait songé à l’abus qu’on en ferait. De tout l’Évangile on ne retient que ces paroles. Cependant je ne dis pas ce que je pense, mais ce que je sens ; j’ai horreur des femmes tombées. Tu as peur des araignées et moi de ces monstres. Assurément tu n’as pas étudié les araignées et tu ne connais pas leurs mœurs et, moi de même.

— C’est bien à toi de parler ainsi. Tu es comme ce personnage d’un roman de Dickens qui jette de la main gauche, par-dessus l’épaule droite, toutes les questions embarrassantes. Mais nier un fait n’est pas l’expliquer. Comment donc faire ? Conseille-moi. Ta femme vieillit, et toi tu es plein de vie. Tu n’as pas eu le temps de te retourner que déjà tu te sens incapable de l’aimer d’amour malgré tout le respect que tu as pour elle. Et tout à coup tu rencontres l’amour et tu es perdu, perdu ! prononça Stépan Arkadiévitch avec un désespoir sincère.

Lévine sourit.